En 2006, les performances des sociétés indiennes et de leurs managers s’affichent dans tous les domaines. Après avoir remporté des contrats de prestations de services délocalisées particulièrement importants, les sociétés indiennes, pour poursuivre leur stratégie de développement, commencent à racheter des sociétés occidentales. Les managers indiens – que l’on retrouve à des postes de direction très importants – deviennent des modèles et, dans le domaine intellectuel, les sociétés indiennes financent des recherches de très haut niveau. Le slogan « Shining India » (l’Inde qui brille) est devenu en quelques années « India poised » (l’Inde est prête). 2006 marque un tournant : les tigres indiens sont partis à la conquête du monde !
Les stratégies gagnantes des sociétés de services indiennes
Au niveau économique général, le continent indien continue d’obtenir d’excellents résultats avec une croissance de 9,2 % au 3e trimestre 2006 et des prévisions de croissance de 10 % par an jusqu’en 2011. S’il y a quelques années, les activités de services aux entreprises (Business Process Outsourcing ou BPO) transférées en Inde étaient à faible valeur ajoutée, ce n’est plus du tout le cas et elles sont à la fois à forte valeur ajoutée et créatrices d’emplois. L’exemple de l’industrie cinématographique est révélateur. Depuis 10 ans, les entreprises d’Hollywood ont progressivement externalisé sur Bollywood trois types d’activités particulièrement rentables : l’animation, la post production et le support à la production locale. Une étude du NASSCOM parue récemment montre que les services aux entreprises cinématographiques ont réalisé un bénéfice trois fois plus important en 2006 qu’en 2005, et le pari indien de l’informatique semble devoir se reproduire dans le cinéma.
Sur le marché de l’emploi informatique qui emploie un million de personnes et qui croît de 30 % par an, la qualité des prestations permet au pays de se positionner en troisième place mondiale pour les compétences techniques selon une étude d’AT Kearney (derrière les États-Unis et la France).
Les sociétés de services indiennes représentent une grande part de ce succès
Les sociétés de services indiennes obtiennent des succès incroyables en raison de leur faible coût et de leur qualité. Un programmeur expérimenté gagne par exemple 15 000 dollars par an, contre 75 000 dollars aux États-Unis. Mais dans le même temps, les SSII indiennes veulent que leurs salariés soient certifiés CMMI, de la même façon que les SSII européennes et américaines, afin de prouver que leurs collaborateurs sont compétents, que leurs process et leurs réalisations sont de qualité et que leurs clients peuvent être satisfaits par la qualité de leur innovation. Elles emportent ainsi de très beaux contrats.
Au niveau global, les exportations indiennes sont importantes et s’élèvent à 150 milliards de dollars (soit environ un septième des exportations chinoises). Les sociétés occidentales continuent de confier leur gestion, leurs développements et leurs recherches à des entreprises indiennes. Deux exemples sont particulièrement significatifs. Schlumberger signe avec Infosys Technologies Ltd. en septembre un contrat de délocalisation transférant à la société indienne la gestion et l’intégration de ses données et applications pétrotechniques, RH et financières. Le second contrat symbolique est signé en décembre par Tech Mahindra de Mumbai avec British Telecom pour un montant record : 1 milliard de dollars. En échange, l’entreprise doit fournir à BT un support technique global et total. Ce contrat fabuleux n’empêche pas BT de poursuivre sa stratégie de développement en Inde : la part du pays dans son CA doit plus que doubler en trois ans (soit passer de 100 M USD à 250 M USD) et ses effectifs locaux (12 000 salariés en 2006) doivent croître de 50 % (soit 6 000 de plus, mais pas dans des « activités de support ») afin de mieux servir ses clients internationaux.
Ces deux contrats d’externalisation sont les meilleurs exemples de la montée en puissance des sociétés indiennes qui, après avoir effectué de la saisie d’information et du travail peu qualifié dans les centres d’appels, peuvent prétendre à être gestionnaires d’activités High-Tech de très haut niveau. Elles ont su évoluer dans les services à haute valeur ajoutée. Si elles parviennent à résoudre tous les problèmes de puissance et d’infrastructure qui restent latents actuellement, leur puissance n’aura pas de limites.
Une croissance doublée d’investissements étrangers toujours créateurs d’emploi
Après les importants transferts d’effectifs de 2005, opérés par les grands groupes mondiaux (IBM, HP), les implantations et recrutements des sociétés occidentales dans le pays continuent. Accenture recrute 6 000 salariés supplémentaires de mars 2006 à mars 2007 et prévoit le même niveau de recrutement pour l’année suivante. Les effectifs américains et indiens sont désormais à quasi égalité.
Cap Gemini transfère massivement ses effectifs en Inde. En 2010, ses salariés locaux doivent être le double de ses salariés français (soit 40 000 Indiens ce qui correspond à 40 % des effectifs de la SSII française). En fin d’année, l’entreprise emploie déjà 13 500 ingénieurs locaux (sur un effectif global de 75 000 personnes), contre seulement 400 en 2002. Cette croissance est partiellement externe dans la mesure où Cap Gemini a racheté en 2006 une société américaine d’Hyderabad, Kanbay, spécialisée dans l’informatique pour les services bancaires et qui avait parmi ses clients HSBC.
Dell prévoit de doubler ses effectifs locaux sur quatre ans et d’atteindre 20 000 salariés en Inde. Le plan de recrutement est de 5 000 nouveaux salariés sur 2 ans (2006 et 2007). Un millier d’entre eux sont affectés dans un nouveau centre d’appels ouvert en avril 2006 dans la banlieue de New Delhi et les autres complètent les trois autres centres existants.
IBM annonce dans l’année un triplement de ses investissements dans le pays (6 milliards de dollars d’ici 2009) et devient ainsi le plus gros employeur étranger du pays avec 43 000 personnes (contre seulement 9 000 début 2004). La compagnie prévoit la création d’une unité de recherche spécialisée dans les tests, les solutions d’infrastructure et les télécommunications. Quant à l’unité IBM de Daksh qui employait 6 000 salariés il y a deux ans, elle regroupe désormais 20 000 salariés.
SAP, implanté dans le pays depuis bientôt dix ans, annonce dans l’année un investissement d’un milliard de dollars en Inde pour les 5 prochaines années. Ses effectifs (déjà au nombre de 3 500 salariés) doubleront.
Enfin, le groupe de défense Thales s’implante à Chennai et veut recruter 1 000 ingénieurs logiciels. Au cours des neuf premiers mois de l’année, les acquisitions de sociétés étrangères en Inde ont ainsi dépassé les 7 milliards de dollars. Sur l’ensemble de 2005, elles n’ont représenté que 4,5 milliards seulement.
Une nouvelle stratégie d’implantation occidentale
Après avoir engagé massivement des stagiaires européens pour mieux comprendre le marché, créé des structures adéquates pour gérer les clients européens (la création d’une entité EMEA chez l’entreprise indienne Infosys lui permet de progresser de 60 % sur le premier semestre de l’année), les grandes sociétés indiennes s’implantent en Europe pour éviter le choix entre externalisation « nearshore » et « offshore » selon le jargon des « outsourceurs ». Elles se localisent souvent en Europe de l’Est, là où elles trouvent à la fois compétences techniques et économiques. Infosys, installé à Brno (République Tchèque) depuis 2004, crée un nouveau centre de 350 personnes pour doubler la capacité des services existants. Les entreprises de 16 pays européens peuvent confier à ce nouveau centre « européen » les processus de gestion des commandes, les finances et la comptabilité, les études de marché et les services de garantie clients. Elles y trouvent des services informatiques, la gestion d’infrastructure et la mise en place de systèmes ERP et CRM. Dans le même temps, Infosys ouvre également un deuxième centre à Swindon en Grande-Bretagne et développe son centre allemand.
Le rachat des sociétés occidentales par des sociétés indiennes
Les atouts des sociétés indiennes (bénéfices importants liés à la faiblesse des salaires et gouvernance souvent familiale) leur permettent de prendre des décisions rapides. Cette nouvelle volonté d’expansion a été particulièrement commentée dans le domaine de l’acier (affaire Mittal Steel mais aussi Tata Steel en Grande-Bretagne) et dans le domaine des supermarchés avec le conglomérat Reliance, présent dans le pétrole, la pétrochimie, les télécoms, qui a réalisé sur l’exercice fiscal 2005/2006 un bénéfice net de 1,6 milliards d’euros. Les grands conglomérats et les sociétés de services indiens cherchent à racheter des sociétés occidentales. Nvidia (puces graphiques) rachète la société PortalPlayer (concepteur du processeur de l’iPod d’Apple) pour environ 357 millions de dollars et se renforce ainsi dans les solutions mobiles destinées à Motorola, Samsung et Sony Ericsson. En juin, TCS (Tata Consultancy Services) a repris Vertex, le service de délocalisation du britannique United Utilities PLC pour un montant légèrement inférieur à un milliard de dollars. Si Cap Gemini, implantée en Inde depuis quelques années, a réussi le rachat de Kanbay, un certain nombre d’observateurs considèrent qu’il est très plausible qu’un groupe indien rachète Atos qui se porte relativement mal.
Les difficultés de l’emploi en Inde
Malgré 1,28 million de salariés au total dans l’industrie des services (informatique et services aux entreprises, dont un tiers de femmes), les difficultés actuelles de recrutement sont grandes.
Les plans de recrutement de Infosys sont de 25 000 salariés pour 2006-2007, Satyam annonce pour la même période fiscale qui se termine en mars 2007 12 000 recrutements, TCS 30 500 et Wipro 15 000. Cette expansion des effectifs doit s’accompagner de constructions de bâtiments et d’infrastructures importantes pour assurer la logistique nécessaire à tous ces salariés. Les difficultés de recrutement sont réelles et Infosys qui veut arriver à un effectif de 78 000 personnes en fin d’année n’hésite pas à recruter dans de nouveaux pays (dont la Chine). Pour compléter ses effectifs (52 700 personnes en début d’année fiscale – avril), son DRH Mohandas Pai n’hésite pas à recruter 300 jeunes « undergraduates » américains pour les embaucher dans l’année. En Grande-Bretagne, ce sont 25 salariés qui sont recrutés à l’essai. Les effectifs chinois actuels (500) sont complétés par un recrutement de 800 à 1 000 ingénieurs en 2006 avec un programme « undergraduate » destiné à 100 jeunes. Un nouveau campus près de Taipeï doit permettre à terme de drainer 10 000 salariés. Toutefois Infosys ne veut pas se limiter à l’Asie et ses dirigeants envisagent aussi des développements en Amérique du Sud. Cette politique de diversification de la force de travail est également la meilleure stratégie de conquête commerciale pour une société de services.
Les entreprises cherchent par tous les moyens à attirer les jeunes et utilisent des solutions parfois surprenantes. Le site Naukri.com, en association avec la Télévision CNBC TV 18, a conçu « Job Show Live on TV », une émission originale animée par un présentateur local très célèbre. Des entreprises comme les assurances Aviva, Denstu, DNA, Flextronics, Impetus, LG Electronics et Yes Bank subventionnent cette émission depuis février afin de recruter les meilleurs candidats. Ces derniers peuvent à la fois passer à la télévision et obtenir le poste de leur rêve. L’émission démarre avec le nom des 5 candidats retenus à l’issue de la première sélection. Ils sont ensuite envoyés à Mumbai pour une sélection finale qui se compose de 5 rounds avec les recruteurs des entreprises en question. À la fin de chacun des 26 épisodes, les candidats repartent ainsi en sachant s’ils ont obtenu le travail de leurs rêves.
Un rapport NASSCOM – McKinsey fait état de 750 000 postes de managers sans titulaires. Même si les salariés les plus âgés présentent un taux d’alphabétisation de 95 %, les travailleurs qualifiés manquent surtout parce que les écoles ont du mal à allier théorie et pratique. Aussi, malgré la hausse des salaires, un grand nombre de ceux qui sont en âge de travailler sont partiellement non employables. Le fait d’avoir 50 % de la population en dessous de 25 ans devrait être un avantage décisif, mais actuellement la force de travail bien éduquée reste insuffisante et surtout a du mal à comprendre l’importance de l’expérience. La « National Knowledge Commission » créée l’année d’avant sous l’impulsion du Premier ministre Manmohan Singh insiste sur l’importance des expériences pratiques dans l’éducation. Il en résulte une hausse importante des salaires qui progressent de 13,9 % en moyenne et de 17,9 % dans les services informatiques.
Le débat sur les (mauvaises) conditions de travail en Inde émerge enfin au sein de l’organisation patronale NASSCOM, dont les représentants s’offusquent que des organismes gouvernementaux puissent mettre en doute leurs affirmations sur la qualité des conditions de travail dans leurs entreprises. Pourtant, si certaines entreprises peuvent être justement accusées, d’autres en revanche comme Karvy, le spécialiste indien des services financiers, offrent des conditions très agréables ; ce dernier reçoit donc un prix d’excellence RH au « sommet Gobel RH de 2006 » décerné sur le campus de Noida.
L’émergence des managers indiens charismatiques
Dans le panthéon mondial des dirigeants, les responsables indiens ou d’origine indienne sont de plus en plus nombreux. Parmi les leaders indiens que les journaux invitent à présenter leurs parcours et leurs idées, deux ont été particulièrement remarqués, Shiv Nadar et Azim Premji.
Shiv Nadar, devenu citadin à l’âge de 22 ans, est le PDG de l’une des plus grandes entreprises indiennes, HCL (Cognizant), qui vaut 3 milliards de dollars. Il représente pour les jeunes Indiens l’équivalent de Bill Gates pour les Occidentaux. Son entreprise rivalise avec Infosys, Satyam, TCS et Wipro. Elle gère la bourse indienne (le National Stock Exchange), fait tourner un demi-million de serveurs à distance et est un leader mondial dans le domaine du service aux entreprises. Dans la redistribution mondiale du travail qui s’opère actuellement, les activités externalisées peuvent devenir encore plus importantes que l’informatique pour l’économie indienne et les infrastructures doivent donc évoluer.
Azim Premji est âgé de 60 ans et est le propriétaire à 80 % de la société indienne Wipro (Bangalore). Sa fortune tourne autour de 13 milliards de dollars et ses gains annuels sont de l’ordre de 1,8 milliard de dollars (il est la 25e fortune mondiale dans le classement américain). Son DRH, Pratik Kumar, envisage calmement de devancer Accenture et IBM dans un futur proche. Un management rapide, intégrant des certifications techniques, une production « lean », c’est-à-dire avec un effectif minimum et la recherche des « Six Sigma » doivent favoriser l’entreprise et lui permettre d’atteindre ses objectifs. Il recrute fortement dans tous les MBA mondiaux des ingénieurs capables de manager correctement la technologie et explique que l’alternative est, soit d’augmenter l’activité de 8 % par an avec le même effectif, soit de faire croître le chiffre d’affaires de 16 % avec seulement une croissance de 8 % de l’effectif. Avec un effectif actuel global de 45 000 personnes et une croissance de 30 % l’an – comme toutes les sociétés de services indiennes –, il considère normal que l’entreprise puisse atteindre une taille de 150 000 à 200 000 salariés et l’exemple actuel d’Accenture avec ses 120 000 salariés ne lui fait pas peur du tout. Son programme de formation des consultants mis en relation avec les clients (leadership, négociation, compréhension interculturelle) s’appuie sur une solide structure interne et universitaire à la fois en Allemagne, aux États-Unis et au Japon. Les formations au management commencent dès l’embauche et concernent les managers de premier niveau jusqu’aux dirigeants. En s’appuyant sur les « Indian Institutes of Management (IIMs) » ou les écoles de commerce indiennes et en élargissant leurs recrutements sur les 25 meilleures écoles, ils peuvent attirer des jeunes relativement bien formés.
Cette capacité à former des managers charismatiques se retrouve aussi dans les sociétés occidentales dont les responsables d’origine indienne sont des dirigeants de premier plan. Dans le domaine de la téléphonie mobile, le PDG de Vodafone, Arun Sarun affronte Sanjiv Ahuja le PDG d’Orange. On a beaucoup parlé aussi en 2006 de Sunil Mital président de l’opérateur indien Barthi-Airtel, qui était au cœur des discussions pour le rachat éventuel de Hutchinson Essar par Vodafone. Dans le domaine des sociétés de services, il faut mentionner Anish Rajparia – à la double nationalité indienne et américaine –, le nouveau président d’ADP Europe (leader des solutions RH externalisées) qui est localisé à Levallois Perret.
Vers l’excellence scientifique
Plusieurs actions entreprises par le gouvernement indien contribuent à renforcer l’excellence scientifique du pays. Dans le cadre du 11e plan quinquennal, qui prévoit la construction de 3 nouveaux Indian Institutes of Technology (IIT) dans le pays, l’État de l’Andhra Pradesh obtient la construction d’un IIT à Isnapur (près d’Hyderabad et de Secunderabad). Ces trois nouveaux IIT complètent ceux de Mumbai, New Delhi, Kharagpur, Roorkee, Guwahati, Kanpur et Chennai. Le pays se dote également d’un incubateur d’entreprises (prévu sur plus de 4 000 hectares) dans le domaine des nanotechnologies à Bangalore, grâce à un partenariat public-privé.
La fin de « destination America » s’amorce et le retour au pays des salariés indiens partis aux États-Unis commence à s’effectuer. D’une part les salaires indiens, compte tenu du pouvoir d’achat local, tendent à la comparaison avec les salaires occidentaux, d’autre part l’attirance de moyens importants les incite à revenir chez eux. Selon les dirigeants d’Infosys, un flux de 10 000 personnes revient principalement de Californie chaque année et cette année la tendance semble s’accélérer d’environ 20 %. Une étude du Nascomm estime même qu’environ 15 % d’entre eux sont restés aux États-Unis pour plus de 10 ans avant de revenir. Par ailleurs, le gouvernement indien incite au retour les scientifiques partis à l’étranger (principalement aux États-Unis) dans les années soixante et soixante-dix grâce à des bourses d’études. Un grand programme est mis en place pour les inviter à travailler pendant trois ans entre deux et douze semaines afin de former les générations futures. Cent vingt-huit acceptent cette invitation du « Department of Science and Technology » (DST), enseignent et partagent leurs connaissances dans des domaines divers allant de l’agriculture à l’aérospatial, grâce à ce programme. Cette montée en puissance est constatée aux États-Unis, dans plusieurs études d’organismes scientifiques (dont l’Académie des sciences) qui s’inquiètent de l’érosion scientifique américaine. La baisse des études scientifiques aux États-Unis est certes partiellement compensée par des doctorants ou post-doctorants nés à l’étranger, et plus de 38 % des scientifiques et ingénieurs travaillant aux États-Unis et titulaires d’un doctorat sont d’origine étrangère. Ainsi, 59 % des doctorats en ingénierie décernés en 2003 aux États-Unis ont été attribués à des étrangers. Les chiffres sont sans appel : si annuellement les États-Unis forment 70 000 ingénieurs, l’Inde en diplôme 200 000 et la Chine 500 000.
Pourtant, au-delà de l’excellence des très grandes institutions, de nombreux responsables indiens s’inquiètent de la faiblesse du système de formation local, des dysfonctionnements du système d’attribution des bourses et des défauts de l’AICTE qu’ils considèrent plus comme un système de régulation que comme une source de progrès futurs. Les formations sont trop théoriques et n’apportent pas aux futurs diplômés les connaissances pratiques dont ils ont besoin.
L’année 2006 correspond également au développement d’un nouvel axe de développement de la R&D dans les pays d’Asie avec le démarrage de la coopération entre l’Inde et la Chine dans le domaine des technologies. Le ministre indien de la Science et de la technologie, Kapil Sibal, annonce la création d’un organisme commun chargé de promouvoir les technologies (de pointe) dans le cadre d’un partenariat spécifique avec la Chine signé en novembre 2006, lors de la visite en Inde du président chinois Hu Jintao. Les industriels ont également compris les bénéfices de cette coopération. L’indien Infosys construit actuellement deux centres de développement en Chine qui doivent employer à terme 6 000 personnes, et les dirigeants de Tata Consultancy Services expliquent qu’ils apprécient les avantages que représentent les nombreux ingénieurs informatiques chinois aux bas salaires. Sur ce marché de l’emploi chinois ils vont cependant entrer en concurrence avec les plus grands employeurs occidentaux : Bearing Point, HP et IBM.
Cette recherche de l’excellence académique se traduit également par le financement d’études conduites par les institutions américaines les plus prestigieuses dans le domaine du management. Pour en donner un exemple, l’un des sponsors du site de diffusion de la Wharton School (Knowledge@Wharton Sponsors) est Wipro. L’entreprise indienne finance ainsi une grande recherche par voie d’enquête sur le management de l’innovation (« Survey on company methods used to manage innovation »).
Faut-il affirmer, comme Michel Testard dans son livre L’appel de l’Inde, que l’Inde est « le plus grand réservoir de matière grise au monde » ?