En 2007, la vente du disque a baissé entre 15 à 20 %, indique le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep). Le responsable toujours désigné : le téléchargement illégal. En France, d’après le rapport du Crédoc « La diffusion des technologies de l’information dans la société française » (p. 13) : 37 % des internautes déclarent télécharger de la musique en 2007 (en augmentation de 2 points sur un an) ; les statistiques chez les adolescents sont plus élevées : 60 % (en augmentation de 16 points entre 2006 et 2007). Plus positif, la vente de musique en ligne, qui représente un peu moins de 10 % du marché, continue de progresser, mais à un rythme moins soutenu qu’en 2006. Après une augmentation des ventes sur ordinateurs et téléphones mobiles de 30 % en 2007, la musique en ligne n’a progressé que de 15 à 20 % en 2007.
Selon l’International Federation of Phonographic Industry (IFPI)[1], la vente mondiale de la musique a baissé plus rapidement en 2007 qu’en 2006 malgré l’augmentation d’environ 40 % des ventes numériques. Celles-ci représentent environ 15 % des ventes. La chute importante des ventes de CD influe sur le marché de la musique qui enregistre une baisse d’environ 10 % en 2007. L’IFPI signale que les FAI ont un rôle à jouer dans la lutte contre le téléchargement illégal. Une décision judicaire en Belgique dans l’affaire Sabam contre Tiscali au mois de juin a confirmé la nécessité pour les FAI de réduire le trafic illégal sur leurs réseaux et a suggéré six techniques pour le faire. D’autres pays commencent à envoyer ce même message ou votent des lois dans le même sens : Taiwan, la Corée du sud, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis (AT&T).
Plan de Christine Albanel pour l’avenir de la filière musicale
Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a demandé à Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication de trouver un « plan de sauvetage » de l’industrie culturelle pour faire face au problème du téléchargement sauvage et aux conséquences industrielles et économiques néfastes que cela entraîne[2]. Denis Olivennes, patron de la FNAC, a été chargé le 6 septembre d’une mission qui a pour but de faire des propositions dans la lutte contre le téléchargement illicite et de développer des offres légales d’œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques et a rendu son rapport le 23 novembre. Très critiqué par les internautes et les sites de partage de vidéos : sur le principe, la méthode, la logique, les modalités, la légalité, la crédibilité et l’accès à la culture. Le rapport a été entériné dans les « Accords de l’Elysée » signés par 45 entreprises et organismes le 23 novembre 2007. Ils consistent en deux volets complémentaires :
1. l’offre légale de musique sera plus accessible, plus riche, plus accessible car les maisons de disque se sont engagées de retirer les « mesures de protection » bloquantes des productions françaises ;
2. la lutte contre le piratage de masse change de logique : elle comporte une phase préventive et ne passera pas nécessairement par un juge. L’accord prévoit la mise en place d’une autorité administrative indépendante qui sera chargée de prévenir et de sanctionner le piratage. Cette autorité existe déjà : l’Autorité de régulation de mesure technique (ARMT) mais elle aura un rôle plus élargi. Saisie par un créateur, cette autorité peut envoyer à l’internaute un message d’avertissement. En cas de récidive, la suspension de l’abonnement à l’Internet puis sa résiliation, avec impossibilité de se réabonner pendant une période de temps déterminée. Les fournisseurs d‘accès à Internet ont aussi à jouer un rôle préventif en expérimentant avec des systèmes de filtrage et de reconnaissances de contenus.
Le problème des droits a été vu plus globalement :
1. Des négociations ont abouti à un accord sur la réévaluation d’une « rémunération équitable » des radios privées à compter du 1er janvier 2008. Le barème du taux uniforme de 4,25 % pour la diffusion des œuvres musicales n’a pas bougé depuis 1993, date du dernier accord en vigueur. L’accord prévoit de prendre en compte la situation économique de la radio.
2. La copie privée n’est pas pour autant oubliée et des droits doivent être payés pour tout support de stockage. Depuis le 1er octobre 2007 : les clés USB, les cartes mémoires et les disques durs externes, et depuis 1er février 2008 les disques durs dotés de fonctions multimédias.
La loi qui mettra en application ce plan est attendue pour 2008.
Offres de musique
La bataille sur le partage de la musique, le téléchargement gratuit et les réseaux P2P n’est pas finie, mais on voit de plus en plus d’offres de musique légales et souvent gratuites. La musique étant un contenu très accrocheur et commercial, on voit même de nouveaux acteurs entrer sur le marché.
Opérateurs mobiles
Les opérateurs de téléphonie mobile se sont mis à proposer de la musique depuis 2005 et les utilisateurs en demandent. D’après le rapport du Crédoc intitulé « La diffusion des technologies de l’information dans la société française » (p. 86-87) : « Écouter de la musique grâce à son téléphone portable est une pratique plus courante (16 % des possesseurs de mobile) que regarder des clips ou des vidéos (7 %). Ce sont les jeunes utilisateurs, et particulièrement les 12-17 ans, qui sont les plus gros consommateurs de ces fonctionnalités : 54 % d’entre eux écoutent de la musique sur leur portable, 27 % y regardent des clips ou des vidéos. »
* SFR Radio DJ, une radio personnalisée, lancée en janvier 2006 pour les clients SFR 3G. On peut choisir le genre, la génération ou l’ambiance, indiquer si on aime ou si on n’aime pas un morceau, pour le prix de 9,90 euros/mois, ou le forfait journalier pour 1,99 euros/jour (hors coût de connexion au portail)[3]·
* SFR Music, le résultat d’un accord signé en juillet 2005 entre SFR et Universal Music, le numéro un mondial de la musique, distribue des contenus musicaux aux clients de la téléphonie mobile. SFR revendique être la « première plateforme de musique mobile en France », avec 711 000 utilisateurs du service SFR Music en 2007 contre 630 000 en 2006. Selon GFK 2007, SFR détient 40 % du marché. SFR Music en chiffres en 2007 :
– 6,3 millions de titres téléchargés (opérateur leader)
– 711 000 utilisateurs du service SFR Music
– 2,9 millions de visites au portail SFR Music
– 167 % de téléchargements payants en plus
– 90 000 abonnés à une formule tarifaire Pass Music Illimythics
À la fin de l’année 2007, 4 millions de clients SFR possédaient un téléphone portable capable de télécharger de la musique.
Orange en partenariat avec Musiwave, lance aussi en janvier 2006 Music Cast, un bouquet de radios thématiques (selon le genre). Le système mémorise les choix et peut proposer un programme adapté, c’est une radio personnalisable. Le prix est essentiellement le même que celui du service SFR. Orange World Musique, lancé en juin 2005, est un service de téléchargement en ligne du site Internet Orange.
Fournisseurs d’accès à l’internet (FAI)
Les FAI, pour renforcer leurs offres et fidéliser leurs clients, prennent le relais des opérateurs de téléphonie mobile et rajoutent la musique numérique.
Neuf Cégétel a ouvert le bal en août 2007 avec son offre gratuite de musique en téléchargement illimité à ses abonnés Triple play. Quelques contraintes toutefois: on peut choisir dans un seul genre, d’un seul catalogue (Universal) et les morceaux sont protégés par GDN de Microsoft. Il est possible de s’abonner à un service qui donne accès à tout le catalogue pour 4,99 euros/mois.
Alice a lancé son offre gratuite (avec l’abonnement Triple play) de musique légale et illimitée, AliceMusic, à partir du catalogue d’EMI, fin août 2007. Contraintes : la musique est protégée par Windows DRM 10 et il faut renouveler la licence chaque mois.
Free a décidé que ce n’est pas le rôle d’un FAI de proposer des contenus lui-même, il en propose en partenariat avec le site Deezer.com.
Orange propose gratuitement à ses abonnés haut débit depuis le début 2008 MusiLine, développé par Lagardère Active, le premier service d’écoute en streaming de programmes musicaux sur Internet, éditorialisé et personnalisé. Ce service ne permet ni le téléchargement ni la sauvegarde.
Sites Internet
Des sites Internet proposent de la musique gratuite, légale, grâce à un financement par la publicité ou à l’autorisation des artistes eux-mêmes.
Des sites Internet, plateformes de radio à la demande, ont été fermés officiellement par la Sacem à la suite d’une action judiciaire : BlogMuzik depuis février et RadioblogClub, officiellement fermée au printemps. Le premier a négocié un accord avec la Sacem en août 2007 pour payer les droits grâce à des recettes publicitaires, a rouvert sous le nom de Deezer et a signé un partenariat avec Free. Le système propose des titres en fonction des choix, il permet aussi des publicités ciblées (principe dérivé du « scrobbling », inspiré du site américain last.fm).
D’autres sites Internet, Spiral Frog (aux États-Unis) et Airtist (en France) ressemblent à des plateformes payantes mais proposent un téléchargement gratuit d’un air ou d’un album en format MP3, sans GDN, en échange du visionnage d’une publicité. Songbeat, lancé en janvier 2008, est un site gratuit financé par la publicité doté d’un moteur de recherche qui permet d’écouter en ligne ou de télécharger des chansons, ou en version payante sans les annonces publicitaires.
Enfin d’autres sites proposent également le téléchargement de musique légale et gratuite, sous forme d’albums de musique libre ou sous-licence. Lancé en 2005, Jamendo.com, site sur lequel les artistes autorisent le partage de leur musique librement, légalement et en illimité, a refondu début 2008 son site et son logo, et propose de nouvelles fonctionnalités. La rémunération des artistes se fait grâce aux revenus publicitaires. Dogmazic.net, né sous le nom de l’Association de musique libre en 2004, propose de la musique indépendante. Le groupe britannique Radiohead a mis librement en ligne leur album « In Rainbows » en août, laissant le prix à fixer par le public. Résultats : en novembre 2007, le groupe n’a rien reçu de la grande majorité des téléchargements, 38 % ont opté pour un prix de 6 dollars en moyenne.
Sites Internet payants
MusicMe, à ses débuts un moteur der recherche de musique, se transforme fin 2006 en service de téléchargement illimité avec la possibilité de transférer sur tout baladeur. Son catalogue compte 1 153 167 titres qui peuvent être copiés sur trois baladeurs pour un prix de 14,95 euros par mois.
Diverses offres
Le distributeur britannique HMV a ouvert le premier d’une nouvelle génération de magasins à Dudley au mois de novembre 2007 avec des bornes pour télécharger gratuitement sans GDN des chansons ou des clips. Le choix est limité mais renouvelé. Une stratégie résolument axée sur les nouvelles technologies.
Amazon a lancé sa plateforme sans GDN mi-septembre en collaboration avec Universal Music à titre d’essai dans un premier temps, avec des grilles de prix variables. Amazon a perdu, aux États-Unis, sa place de troisième plus grand disquaire, devant iTunes Music Store.
Gestion des droits numériques (GDN)
En dehors des critiques de la part des internautes, des associations de consommateurs et de défense des libertés contre ce plan, il est intéressant de noter qu’il existe plusieurs initiatives contre tout contrôle dans les échanges de fichiers illégaux. Par exemple, pour éviter d’être détecté, Omemo (http://www.omemo.com/), plate-forme de stockage open source sociale qui permet le stockage et le partage, crypte l’identité de l’internaute. The Pirate Bay, site suédois notoire, prépare également une version analogue. Au Danemark, un FAI a fermé le site suite à une décision judiciaire.
Bruxelles, plus précisément le commissaire européen au Marché intérieur Charlie McCreevy, souhaite allonger les droits des interprètes, considérés comme « parents pauvres » de l’industrie musicale, de 50 à 95 ans (aux Etats-Unis aussi les droits des interprètes ont été étendus à 95 ans). En effet les auteurs jouissent d’une protection de leurs droits pour une période de 70 ans après leur mort. Mr McCreevy a également déclaré qu’il souhaitait relancer une consultation publique sur la taxation des équipements et des supports vierges utilisés pour réaliser des copies privées de morceaux de musique dans le but d’harmoniser la politique en la matière dans l’Union européenne.
[1] Voir le rapport 2008 : http://www.ifpi.org/content/section_resources/dmr2008.html
[2] Pour plus d’informations, voir le discours de Madame la ministre au Midem 2008 : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/dpmidem08.pdf