Nokia toujours leader des constructeurs mobiles

Un peu en arrière-plan, Nokia a eu une année très réussie avec une croissance de 24 % par rapport à l’année précédente. La sortie d’iPhone a sans doute pénalisé Nokia sur le marché de l’Amérique du Nord mais cette zone géographique ne représente que 4 % de ses revenus selon la firme finlandaise. (Voir tableau)

Cependant nous voyons clairement que la stratégie de Nokia ressemble fortement à celles d’Apple et Google. Quatre rachats clés en 18 mois définissent comment Nokia va conjuguer ses connaissances et capacités :

– En août 2006 l’acquisition de Loudeye, N° 1 des plateformes musicales européennes.

– Le rachat du site Twango, spécialiste américain de partage de fichiers vidéos et photos en juillet 2007.

– L’achat d’Enpocket fournisseur de la publicité pour mobiles sur des plates-formes multiples en septembre 2007.

– En octobre 2007 : Nokia s’est doté de la société Navteq pour 5,7 milliards d’euros. Navteq, qui était un des deux leaders mondiaux de la cartographie numérique. (Voir l’article de l’année dernière)

Depuis août 2007 Nokia possède un portail OVI qui fédère son bouquet de service. Le nom, qui signifie ‘la porte’ en finnois, offre un éventail de ressources Web aux utilisateurs des terminaux de poche compatibles. Nokia Maps donne accès à des centaines de cartes gratuites à télécharger qui sont compatibles avec les systèmes de navigation par satellite, Nokia Music Store qui donne accès à un catalogue de musique étoffé de 2 millions de morceaux pour un abonnement mensuel. Avec N-Gage Nokia relance les jeux sur mobile, autrefois associés uniquement à sa console de jeux portables mais maintenant disponibles sur plusieurs téléphones appartenant aux N-series. Au moyen d’une application téléchargeable, les joueurs ont accès aux derniers jeux en version démonstration et peuvent également les acheter directement. Ovi met l’accent sur le partage et l’accès aux services et sites dits ‘sociaux’, du contenu généré par les utilisateurs de téléphones Nokia ; leurs photos, vidéos, listes de chansons préférées, bloc notes etc. peuvent être postés sur le site. Nokia doit avancer avec précaution car c’est exactement la même stratégie employée par les grands opérateurs comme Vodaphone et Orange avec lesquels Nokia doit conserver des relations entrepreneuriales.

Il reste à savoir si Nokia peut transformer sa puissance sur le marché pour générer des revenus sur les contenus, comme Apple a pu le faire avec ses accords avec les opérateurs et le succès d’iTunes. La réactivité n’a pas toujours été son point fort et il est difficile de voir dans tous ses rachats quelque chose qui va transformer Nokia en fournisseur de services majeurs. Il est toujours dangereux de s’aventurer au-delà de son secteur de compétences où on ne maîtrise pas toutes les cartes mais Nokia s’est déjà transformé dans sa courte histoire et malgré toutes les manœuvres sur le vieux continent et les Etats–Unis, la partie se jouera probablement en Asie, en Inde et en Chine.

L’Android de Google et l’Open Handset Alliance

En partie pour détourner le monopole que l’iPhone a pu avoir sur l’actualité fin 2007, Google a pris la décision d’entrer dans le monde des mobiles par la grande porte comme tête d’affiche d’une association d’opérateurs, fabricants de téléphones mobiles et de semi-conducteurs, SSCIs et fournisseurs de services mobiles, appelée l’Open Handset Alliance^[1]. Cette alliance tourne autour d’un système d’exploitation ‘logiciel libre’, baptisé Android et il est conçu pour marcher sur n’importe quel téléphone mobile. En fournissant Android et son Software Development Kit SDK gratuitement (un kit de développement est un ensemble d’outils permettant aux développeurs de créer des applications), Google espère concurrencer les trois autres plateformes mobiles principales, Windows Mobile (mouture N°6), Symbian (de Nokia) et Palm. Google parie sur la gratuité et sa bonne réputation pour promouvoir la plateforme qui a l’appui de quelques poids lourds comme China Mobile, NTT DoCoMo, Motorola, LG, Samsung et Texas Instruments. Cependant l’envergure des participants n’est pas un gage de succès ; les alliances et accords de coopération dans le secteur du téléphone mobile sont souvent une façade et ils ne durent pas longtemps. Néanmoins les activités de Google, Apple et Nokia en 2007 sont symptomatiques d’un changement profond dans les téléphones mobiles. Cela signifie la fin du cloisonnement des rôles traditionnels qui dont on s’est servi pendant 20 ans, c’est à dire fabricant, opérateur, réseau, contenu. Le téléphone mobile devient maintenant un terminal de poche avec une présence globale, un attrait irrésistible et une utilité débordante.

Bien sûr, derrière l’ouverture d’Android réside toujours la stratégie fondamentale de Google d’être là où se trouve les usagers des TIC pour vendre de la publicité ciblée car les petits écrans des téléphones mobiles, terrain longtemps chasse gardée des opérateurs sont de plus en plus convoités ; les moteurs de recherche, les fabricants de téléphones, les éditeurs d’annuaires et les start-ups tous azimuts veulent leur part d’un gâteau estimé par Informa à 13 milliards de dollars en 2011^[2].

Google lui-même a étendu sa technologie de publicité contextuelle AdSense pour les mobiles en septembre 2007. En même temps Nokia annonçait l’achat de la société Enpocket leader du secteur. Plus tôt dans l’année Microsoft avait déjà acquis le français Screentonic fournisseur de plateforme pour gérer la publicité sur téléphones portables. En parallèle aux grandes manœuvres d’acquisition et de positionnement, il y a eu des nouveautés. L’opérateur MNVO Blyk^[3] s’est lancé sur le marché britannique en proposant une carte SIM gratuite, avec 217 sms et 43 minutes de communication inclus. Il faut avoir entre 16 et 24 ans et accepter de recevoir jusqu’au 6 annonces par jour sur son téléphone. La société AdMob, inconnue il y a 18 mois est devenue le courtier de référence dans le secteur de publicité sur le téléphone mobile.