En 2007, le courant sécuritaire se développe. Avec l’essor des moyens sophistiqués et globalisés de communication et d’information, les principales personnes morales publiques et notamment les États veulent exercer un contrôle toujours plus prégnant. Les attentats qui ont eu lieu aux États-Unis, c’est-à-dire dans la seule puissance disposant d’un rayonnement géopolitique mondial, sont largement médiatisés et semblent justifier, aux yeux de l’opinion publique, une lutte sans merci contre le terrorisme, mais aussi contre toute forme d’anticonformisme. Les règles internationales, régionales, nationales, sont modifiées. Dans ce contexte, le souci de combattre les dysfonctionnements à l’occasion des interceptions, ne sont plus une priorité. Les organismes de contrôle, à quelques exceptions, sont moins influents, plus prudents. Une étude de droit comparé s’impose.
Les États-Unis ont montré le chemin sécuritaire : Le Patriot Act
Aux États-Unis, il existait plusieurs paliers de protection de la vie privée relativement à la surveillance électronique avant la promulgation du Patriot Act. Il fallait généralement obtenir une autorisation judiciaire, ou du moins un mandat ou une assignation à témoigner, avant de procéder à une interception. Le Patriot Act a apporté des modifications au droit américain pour augmenter la capacité qu’ont les agents de police d’obtenir certains types de mandats des tribunaux afin d’intercepter les communications que ces mandats permettent d’obtenir dans certaines circonstances.
L’article 206 du Patriot Act autorise la délivrance de mandats généraux aux termes de la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act). Ces mandats sont demandés au tribunal de la FISA et n’exigent pas que soient identifiés de façon précise l’instrument, l’installation ou l’endroit visés par la surveillance. Plutôt que d’exiger que les agents obtiennent un mandat distinct en vertu de la FISA pour chaque téléphone ou appareil qu’ils désirent mettre sur table d’écoute, cette disposition leur permet d’obtenir un mandat général les autorisant à le faire pour plusieurs appareils appartenant à un individu, c’est-à-dire à cibler une personne plutôt qu’un téléphone en particulier. Pour obtenir un tel mandat aux termes de l’article 206, il faut convaincre le tribunal que la cible est un pouvoir étranger et que les actions de la cible peuvent contrecarrer la surveillance. L’article 218 du Patriot Act permet aux agents fédéraux de solliciter un mandat en vertu de la FISA lorsque l’obtention du renseignement étranger constitue une raison importante, et non la raison, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur du Patriot Act, de se procurer ce mandat. On pourrait soutenir que les mandats délivrés aux termes de la FISA seraient susceptibles de servir au cours d’enquêtes criminelles, pourvu que ces enquêtes comportent un volet relatif au renseignement étranger. Cela n’est pas convaincant dans la mesure où les conditions à remplir pour obtenir un tel mandat sont généralement moins rigoureuses que les conditions à remplir pour obtenir un mandat aux termes du titre III. Concrètement, cette loi autorise le FBI à brancher le système Carnivore sur le réseau d’un fournisseur d’accès à Internet pour surveiller la circulation des messages électroniques et conserver les traces de la navigation sur le Web d’une personne suspectée de contact avec une puissance étrangère. Pour cela, seul, l’aval d’une juridiction spéciale est nécessaire. Les dérives craintes par les défenseurs des libertés individuelles ont eu lieu. Au printemps 2002, l’organisation américaine Electronic Privacy Information Center a fini par obtenir le droit d’accéder à des dossiers afférents à Carnivore. Ses spécialistes ont découvert que les courriers électroniques de citoyens qui ne pouvaient être soupçonnés d’avoir commis des infractions avaient été interceptés et espionnés « par erreur ». Quant aux logiciels de cryptographie, ils sont mis à mal par le programme « Magic Lantern » du FBI. Envoyé par mél, ce virus enregistre à leur insu les touches sur lesquelles frappent les internautes. Ainsi permet-il au FBI d’identifier la clé de chiffrement des utilisateurs de logiciels de cryptographie et de récupérer les messages rédigés par l’utilisateur de l’ordinateur.
Le décret-loi de 2002
En certaines occurrences, il n’est plus nécessaire aux États-Unis de demander et d’obtenir une autorisation judiciaire pour procéder à des interceptions. En 2002, le président Bush a signé un décret-loi autorisant la National Security Agency, l’organisme chargé de l’interception de renseignements étrangers d’origine électromagnétique aux États-Unis, à surveiller et à intercepter les appels téléphoniques effectués et les courriels internationaux transmis par des personnes aux États-Unis à des personnes à l’extérieur des États-Unis ou inversement, sans avoir à solliciter une autorisation judiciaire préalable du tribunal de la FISA. L’existence de ce décret a été révélée par le New York Times dans un article du 16 décembre 2005. Le président Bush a confirmé qu’il avait en effet signé ce décret-loi. Ses conseillers lui ont indiqué que le président avait le pouvoir requis pour prendre ce décret-loi en vertu de la compétence que lui confère l’article II de la Constitution américaine et conformément à une résolution mixte des deux chambres du Congrès, issue du Sénat, portant le titre Authorization for Use of Military Force. La résolution AUMF autorise le président à utiliser toute la force nécessaire et appropriée contre les États, organisations ou personnes qui, d’après lui, ont planifié, autorisé, commis ou aidé les attentats du 11 septembre 2001 ou ont hébergé ceux qui ont commis ces actions, afin de prévenir les éventuels et futurs actes terroristes contre les États-Unis par ces États, organisations ou personnes.
Néanmoins, certaines personnes et certains groupes se sont demandé si le président disposait bien du pouvoir constitutionnel ou de l’autorité conférée par le Congrès nécessaires pour prendre le décret-loi de 2002. Ils se sont notamment demandé si la surveillance électronique exercée sans mandat par la NSA en application du décret-loi pouvait constituer une violation des droits des Américains en vertu du quatrième amendement (protection contre la fouille et la saisie déraisonnables). Des études ont été menées à ce sujet. Par ailleurs, certains observateurs ont remis en question l’affirmation du gouvernement selon laquelle le décret-loi était indispensable parce que des périodes de surveillance sans mandat plus longues que celles autorisées par la FISA s’imposent pour prévenir et combattre les activités terroristes. En effet, bien que les organismes gouvernementaux doivent généralement obtenir une autorisation du tribunal de la FISA avant d’effectuer une surveillance sans mandat, la FISA prévoit des exceptions à cette obligation. Par exemple, le procureur général des États-Unis peut ordonner la surveillance électronique de certaines puissances étrangères sans mandat judiciaire pendant une période maximale d’un an. Est possible la surveillance électronique sans mandat judiciaire dans des situations d’urgence pour une durée maximale de 72 heures, pendant qu’un mandat autorisant ce type de surveillance est demandé au tribunal de la FISA et la surveillance électronique sans mandat judiciaire pendant 15 jours suivant une déclaration de guerre par le Congrès. Ces questions, ces débats ont incité certaines entités de défense des libertés individuelles à saisir les tribunaux. Le 17 janvier 2006, deux poursuites distinctes ont été déposées contre le programme de surveillance sans mandat de la NSA, la première par un groupement d’organismes de protection des libertés individuelles dirigées par l’ACLU, American Civil Liberties Union, devant le Tribunal fédéral de district de Detroit contre la NSA, la deuxième par le Center for Constitutional Rights devant le Tribunal fédéral de district de Manhattan contre le président Bush, la NSA et le Federal Bureau of Investigation. Selon le groupement dirigé par l’ACLU, le programme de la NSA violerait le premier (liberté d’expression) et le quatrième amendement de la Constitution, les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs régissant le président et le Congrès. Le groupement demande que le programme soit déclaré inconstitutionnel et qu’une injonction interdise à la NSA de poursuivre le programme. La poursuite intentée par le CCR affirme que des renseignements protégés par la relation avocat/client ont été interceptés dans le cadre du programme de surveillance sans mandat de la NSA et reprend les allégations formulées dans la poursuite de l’ACLU afférentes aux violations constitutionnelles. Comme l’ACLU, le CCR réclame une déclaration d’inconstitutionnalité et une injonction interdisant la poursuite du programme.
Le débat concerne également les milieux parlementaires. Quand l’information sur le programme de surveillance sans mandat de la NSA et le décret-loi l’autorisant a été rendue publique, divers comités du Congrès se sont prononcés en faveur d’une enquête sur le programme et le pouvoir qu’avait ou non le président, selon la Constitution américaine ou la résolution AUMF, d’autoriser la NSA à effectuer la surveillance sans mandat, alors qu’aucune loi n’avait modifié la FISA. Le 15 janvier 2006, le président du Senate Committee of the Judiciary, Arlen Specter, a déclaré que son comité tiendrait des audiences relatives à ces questions. Néanmoins, Arlen Specter a refusé de préciser la portée de l’enquête du comité et d’indiquer le nombre des audiences qui pourraient avoir lieu, et la qualité des témoins susceptibles d’être convoqués.
Depuis les déclarations du sénateur Specter, le SCJ a effectivement mené une enquête. Il est tout particulièrement intéressé par la légalité du programme. Le 6 février 2006, le comité a entendu le procureur général Gonzales : ce dernier a soutenu la position de l’exécutif. Le président est bien habilité à autoriser le programme de surveillance sans mandat de la NSA ; le président a le pouvoir requis en vertu de ses attributions de commandant en chef, en application de l’article deux de la Constitution américaine et de la résolution AUMF. Le SCJ a ensuite tenu deux audiences additionnelles sur le pouvoir exécutif en temps de guerre et le pouvoir de surveillance de la NSA, les 28 février et 28 mars 2006.
Enfin, la justice s’est prononcée deux fois, en 2006, au premier degré, en 2007, en appel. En août 2006, la juge fédérale Anna Diggs Taylor, siégeant à Chicago, avait validé une plainte déposée par des avocats, des enseignants, des journalistes, qui se trouvaient en contact fréquent avec le Proche-Orient et qui estimaient que leurs communications étaient l’objet d’une surveillance. Considérant que le président George W. Bush avait outrepassé ses pouvoirs en autorisant le programme, elle avait exigé sa fin immédiate. Un appel a été déposé et la décision de la juge Diggs Taylor a été suspendue en attendant que la Cour d’appel se prononce. En juillet 2007, l’ordre d’arrêter les interceptions « antiterroristes » aux États-Unis sans mandat d’un juge a été annulé par une Cour d’appel fédérale. Cette décision revient à laisser le président libre de poursuivre les interceptions sans mandat d’un juge.
En conséquence, la justice américaine n’a pas exercé de contrôle sur les interceptions sans mandat.
La réforme de la FISA
Une loi promulguée le 5 août 2007 réforme la FISA. La Chambre des Représentants et le Sénat ont voté une loi facilitant les interceptions de télécommunications. Le président des États-Unis l’a ratifiée dès qu’elle est arrivée sur son bureau bien que les organisations de défense des droits civils considèrent qu’elle ne va pas dans le bon sens. Le gouvernement américain pouvait déjà espionner les communications étrangères ne transitant pas par les États-Unis. Désormais, l’Agence de sécurité nationale, la NSA, peut intercepter sans mandat les appels téléphoniques et les méls des ressortissants étrangers transmis au moyen des équipements américains.
George Bush est persuadé de la nécessité de cette mesure pour lutter contre le terrorisme. Certains opposants font remarquer qu’il y a un danger de dérive, qu’il est désormais possible d’intercepter des Américains communiquant avec des personnes à l’étranger, sans intention délictueuse ou criminelle. Une majorité du parti démocrate a voté contre cette loi adoptée par la Chambre des Représentants par 227 voix contre 183. La loi, l’amendement à la FISA expirent au bout de six mois, sauf si le Congrès les renouvelle. Autre garantie : si un Américain est la cible principale des interceptions, un mandat devient obligatoire pour poursuivre la surveillance. Les organisations de défense des libertés individuelles se sont prononcées contre cette loi. Ainsi, le directeur de l’ACLU a condamné le vote et fait la déclaration suivante : « Nous sommes profondément déçus que les tactiques d’intimidation du président contraignent une fois de plus le Congrès à la soumission » en 2007 aux États-Unis. Il est clair qu’au-delà du président, la majorité de la classe politique est favorable au courant sécuritaire. Les démocrates souhaitent que la loi mentionne clairement la nécessité de saisir la justice pour autoriser les interceptions lorsqu’un ressortissant américain est impliqué. La présidence de son côté jugeait qu’une saisie est suffisante après les faits. Le Sénat comme la Chambre des Représentants se sont inclinés, bien que le rapport de forces soit favorable aux Démocrates. Si la loi n’est pas renouvelée au bout de six mois, la NSA a plusieurs choix : demander l’arrêt de la surveillance ou, solliciter une autorisation auprès du tribunal de la FISA afin de poursuivre la surveillance. La loi amendant la FISA sera peut-être renouvelée en 2008. Tout dépendra de l’évolution idéologique au sein de la classe politique.
La FISA Court, le tribunal de la FISA, ne joue plus de rôle actuellement. Le contrôle par un organisme indépendant du gouvernement a vécu. Les organismes de défense des droits civils ne sont pas en mesure de se faire entendre.
Cependant, les États-Unis étant la première puissance mondiale, la première puissance militaire, intervenant dans plusieurs pays étrangers, la reconduction de la loi d’août 2007, la mission dévolue au tribunal interne de la FISA dépendent du contexte géo-politique qui prévaudra dans les années à venir.
Le Royaume-Uni suit aussi la voie sécuritaire
En octobre 2000 entre en vigueur la Regulation of Investigatory Powers Act, qui se substitue à l’Interceptions of Communications Act 1985. La RIPA englobe les diverses technologies de télécommunications, dans le présent et dans le futur.
Il s’agit de réaliser un équilibre entre les pouvoirs d’enquête des organisations habilitées, opérateurs et fournisseurs et le souci de protection des droits de l’homme, en particulier la vie privée. Les mandats pour intercepter une communication sont délivrés par le secrétaire d’État à l’Intérieur, ou, en cas d’urgence, par un cadre supérieur du gouvernement et soumis à la surveillance d’un « Interception of Communications Commissioner ».
Les interceptions
Les articles 12 à 14 de la RIPA sont afférentes à la capacité technique d’interception des communications. Ils ont été violemment critiqués et débattus par les fournisseurs de services Internet qui considéraient que les coûts d’implantation risquaient d’être sous-évalués. L’analyse fouillée des consultations diligentées par le gouvernement a démontré que les exigences techniques imposées par la loi ne devaient pas être excessives, pour ne pas compromettre le commerce.
Par ailleurs, l’autre préoccupation concerne la vie privée. Le Data Protection Commissioner (le commissaire à la protection de la vie privée) a souligné que les nouvelles dispositions, que les obligations ne devaient pas contraindre les opérateurs à empiéter sur la vie privée de leurs usagers. La RIPA est néanmoins une loi sécuritaire, qui montre la voie à beaucoup d’autres lois sécuritaires dans différents pays occidentaux. L’équilibre penche délibérément en faveur de la sécurité et peut faire naître des craintes sur les libertés individuelles et la vie privée. Les fournisseurs de services de communications publics peuvent être forcés de maintenir une capacité d’interception assez conséquente, imposée par le secrétaire à l’Intérieur. Une injonction peut être adressée à un fournisseur de services de communications qui ne respecte pas les obligations. Ces dernières visent les services postaux et les services de télécommunications. Afin de protéger les droits fondamentaux, certaines dispositions sont adoptées : une ordonnance du secrétaire de l’Intérieur impose qu’une capacité d’interception soit présentée au Parlement et approuvée par les deux chambres. Un fournisseur de services de communication est en droit de contester l’obligation relative à la capacité d’interception devant un tribunal spécialisé. À cette occasion, le Technical Advisory Board se penche sur les normes techniques proposées.
Le Royaume-Uni permet aux fournisseurs de service de communications de collecter et de conserver systématiquement les données de transmission. Ces dernières englobent une importante gamme d’informations et peuvent être conservées pendant un temps déterminé. La problématique du stockage des données de transmission a une dimension internationale. La Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe permet de conserver les données de transmission. Le débat a ensuite été relayé par l’Union européenne. Un premier bilan laisse planer des craintes quant à une bonne application de la RIPA. Les plaintes déposées par le public sont, par contre, fort rares. Enfin, la révision de la RIPA permet aux services secrets de contrôler tout le trafic du réseau.
Le « Anti-Terrorism, Crime and Security Act »
En vertu de la nouvelle loi, le contrôle tend à disparaître : la police est dispensée en de nombreuses occurrences de l’autorisation préalable d’un juge pour agir. Il suffit d’obtenir l’accord du ministre de l’Intérieur ou de l’un de ses hauts fonctionnaires pour le faire. Ces mesures ont été critiquées par les organisations de défense des libertés individuelles et par la majorité des fournisseurs d’accès.
Le continent européen négocie aussi le tournant sécuritaire
L’Allemagne
En 2001, la loi G10 sur les interceptions de télécommunications a été amendée. Cet amendement imposait des limitations à la politique de protection des communications. Il a été demandé aux opérateurs et aux fournisseurs d’accès de mettre tout en œuvre pour permettre aux services de renseignement de surveiller ou d’intercepter les communications électroniques, nationales et internationales : le champ d’application de la G10 s’est considérablement élargi, au détriment des garanties consenties en matière de droits fondamentaux. La médiatisation des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis a permis au gouvernement, à l’initiative du ministre de l’Intérieur, Otto Schily, de faire voter, fin 2001, une nouvelle loi sur les télécommunications. Cette dernière est entrée en vigueur en janvier 2002. Cette ordonnance sur l’interception des télécommunications permet notamment aux services de renseignement et à la police d’accéder aux données de télécommunications stockées sur support numérique : informations sur les services utilisés par les clients, accès aux renseignements relatifs aux échanges de méls, accès à toutes les données permettant de localiser les personnes à l’origine des communications ou des courriers électroniques, accès aux données des entreprises de télécommunications. Une vingtaine d’organisations de défense des droits civiques et de la liberté d’expression se sont élevées contre l’» Otto-Katalog », dénomination ironique appliquée à la loi en référence à des mesures jugées liberticides, et se sont regroupées dans un collectif pour dénoncer ce contrôle des communications. Le collectif a permis une réflexion dans la société civile sur les enjeux de la surveillance dans le secteur des télécommunications. Ces associations, ce collectif considèrent que cette loi, présentée et justifiée comme antiterroriste, est incapable d’établir un véritable rempart contre les activités terroristes et dénoncent les concepts invoqués pour adopter de telles mesures.
Le 12 mars 2004, le Bundestag examine en troisième lecture un nouveau projet de loi sur les télécommunications. À l’initiative des groupes « Grünen » et sociaux-démocrates, le texte a été amendé dans un sens qui prend en compte la confidentialité des communications. Il renonce à la conservation généralisée des données de communications – Internet et téléphone. Otto Schily avait fait savoir, en décembre 2003, qu’il voulait contraindre les fournisseurs de service Internet à conserver les données du trafic Internet pendant un an. Il n’a pas été suivi sur ce point par les parlementaires et a dû renoncer à ces dispositions. Selon Privacy International, Otto Schily a contribué, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, à la restriction des « droit des citoyens en Allemagne et principalement la protection de leurs données personnelles ».
L’Université de Dresde a mis en place le projet ANON, un système – dit anonymiser – qui permet de protéger la confidentialité des communications sur Internet. ANON a pour objectif de contrecarrer les effets délétères de la loi de 2001. Ce système rend possible la consultation des sites Web de façon anonyme, sans laisser de traces chez les fournisseurs d’accès. Le gouvernement a demandé à ANON, en août 2003, de lui permettre dans certains cas de rompre l’anonymat. Une décision de justice a débouté les autorités allemandes. Le contrôle en matière d’interceptions est plus limité en Allemagne au début du vingt-et-unième siècle.
La Belgique suit aussi la voie sécuritaire en matière d’interceptions de télécommunications
Les interceptions de télécommunications sont régies par les articles 90 ter et suivants du Code d’instruction criminelle. Cette loi concerne non seulement les interceptions téléphoniques, mais aussi l’interception de télécopies, de méls.
En matière judiciaire, elles sont autorisées par le juge d’instruction : c’est sur la base d’un mandat clair délivré par un juge d’instruction que le ou les opérateurs téléphoniques ou Internet interceptent les communications visées et envoient celles-ci électroniquement via un système central sécurisé vers les enquêteurs nommément désignés dans le mandat, pour exploitation. Les interceptions sur Internet inquiètent les députés. En témoigne la question posée par Mme Zoé Genot lors de la réunion de la commission de la Justice de la Chambre du 4 mai 2004 à la vice-première ministre et ministre de la Justice, Mme Laurette Onkelinx. Mme Genot met en cause des tests concernant l’enregistrement de données sur les lignes ADSL de Belgacom. D’après les renseignements utilisés par Mme Genot, contrairement aux écoutes téléphoniques fixes, où c’est une ligne bien identifiée d’un abonné qui est mis sous contrôle, c’est l’ensemble du trafic Internet qui serait dévié. Ce n’est que par la suite, par un système d’activation, que l’on va cibler les données venant d’un ordinateur. Selon la ministre, les tests réalisés par la police fédérale l’ont été à partir des lignes internes de la police fédérale avec l’autorisation de leurs utilisateurs. La police fédérale a opté pour des essais en circuit fermé.
Les interceptions de sécurité se font sous la houlette du comité R. Ce dernier exerce un contrôle des services de renseignement et de sécurité. Ses membres ne sont pas des parlementaires mais ils sont nommés par le Sénat. Les contrôles du comité R portent notamment sur le respect des droits fondamentaux par les services de renseignement, sur leur coordination et leur efficacité. Le comité R n’est donc pas spécifique au contrôle des interceptions, comme la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité en France, mais le contrôle des interceptions de sécurité dépend du comité R. Les services sont au nombre de deux. La Sûreté de l’État, service de renseignement civil, s’occupe de la sécurité intérieure et extérieure de l’État. Elle est placée sous l’autorité du ministère de la Justice, mais le ministre de l’Intérieur peut y avoir recours pour le maintien de l’ordre public et la protection des personnes. Le Service général du renseignement et de la sécurité est le service de renseignement des forces armées. Il dépend du ministère de la Défense nationale. Par ailleurs, une commission permanente chargée du suivi du comité R a été créée au Sénat. Elle s’est substituée à la commission spéciale qui avait été mise en place auparavant. Le comité R a approuvé en 2001 un projet de loi qui élargit l’exception créée pour le Service général du renseignement et de la sécurité des forces armées afin de garantir, toujours dans l’optique militaire, la sécurité des troupes et celle de leurs partenaires lors d’opérations à l’étranger et la protection des citoyens belges vivant à l’étranger. Il s’agit de « répondre à l’évolution technique rapide qui permet à des individus et groupes actifs à l’étranger, des groupes cibles des services de renseignement, de ne pas hésiter à recourir aux moyens de communication modernes, tels que les téléphones portables, la correspondance électronique ou la communication par satellites, souvent associés à l’utilisation de moyens cryptographiques puissants ». Ces dispositions législatives ont été adoptées par le Parlement fin 2002. Quant aux interceptions de sécurité, qui n’avaient aucun fondement juridique, elles sont prises en compte au vingt-et-unième siècle dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée. « La sûreté de l’État réclame à nouveau des compétences en matière d’écoute et d’enregistrement des télécommunications privées. La question de l’utilisation proactive des écoutes téléphoniques a de forts relents politiques et doit faire l’objet d’une nouvelle discussion. La mission de sûreté de l’État consiste en effet à recueillir et analyser des informations afin de garantir la sécurité de l’État. Il faut un débat parlementaire où l’on mettrait en balance les libertés garanties essentielles telles que le droit à la vie privée, d’une part, et d’éventuelles atteintes à l’ordre public, d’autre part. Il s’agit d’un problème qui concerne typiquement le parlement. Le ministre de la Justice ne peut décider seul. » (déclaration du ministre de la Justice, le 2 Octobre 2001). Dans le même temps, en novembre 2001, le Conseil des ministres approuve un projet de loi relatif aux techniques policières spéciales de recherche dans le secteur de la criminalité organisée et se référant au téléphone fixe, au téléphone portable, écoute par microphone. La loi entre en vigueur en 2002.
Par ailleurs, le comité R propose des interceptions de sécurité en prenant en compte l’équilibre entre vie privée et ordre public. La loi est adoptée. Plusieurs critères sont retenus : la demande d’interception de sécurité, écrite et motivée est adressée par les responsables des services de renseignement et de sécurité au ministre de tutelle du service et au Premier ministre ; l’autorisation écrite est accordée par l’un des ministres ou secrétaires d’État concernés, pour une durée limitée ; une procédure d’urgence est instituée ; les interceptions de sécurité sont possibles pour des motifs limitativement énumérés, lutte contre le terrorisme et prévention de la criminalité organisée ; les autorisations sont notifiées au comité R ; ce dernier intervient dès le début de la procédure, pendant la procédure et a posteriori, soit sur sa propre initiative ou sur plainte de personnes physiques ou morales ; un rapport périodique est transmis au parlement et aux ministres concernés ; une procédure d’information est instituée ; les interceptions sont effectuées à l’instigation de l’unité globale d’interception. Le comité R est chargé d’enquêter « sur les activités et les méthodes des services de renseignement, sur leurs règlements et directives internes ». Cela signifie que le comité R, contrairement à la CNCIS française, Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, n’a pas de compétences spécifiques en matière d’interceptions de télécommunications, mais que les interceptions de télécommunications entrent dans le champ d’activité du comité R. Le comité R tient autant de réunions qu’il le juge nécessaire, et pour atteindre ses objectifs, il dispose d’importants pouvoirs. Il peut se faire transmettre tout document qu’il juge utile et entendre toutes les personnes dont l’audition lui semble indispensable. Les personnels des services de renseignement ont l’obligation de lui communiquer tous « les secrets dont ils sont dépositaires », sauf ceux qui portent sur les affaires judiciaires en cours. Les personnels ne sont pas en mesure de se retrancher derrière la nécessité de protéger certaines personnes, puisque, dans ces cas, c’est le président du comité R qui statue. Le service d’enquêtes du comité peut également procéder à des perquisitions et à des saisies sur les lieux où les agents des services de renseignement exercent leurs fonctions. Il peut collaborer avec des experts. De leur côté, les services de renseignement sont tenus de transmettre l’ensemble de leurs documents internes au comité.
Chaque enquête débouche sur un rapport, qui est communiqué au ministre compétent et à la commission sénatoriale de suivi. Le ministre informe le comité des mesures qu’il envisage de prendre en réponse aux conclusions du comité. Ce dernier est habilité à questionner les responsables des services de renseignements sur des problèmes ponctuels. Cette forme de contrôle, assez souple, permet au comité de savoir comment les services de renseignement traitent un point donné.
Conformément à la loi, le comité R fait parvenir un rapport annuel d’activité à la commission sénatoriale de suivi. Quand il est chargé d’une enquête par la Chambre des représentants ou par le Sénat ou lorsqu’il a constaté que des conclusions qu’il avait fait connaître au ministre n’ont pas été suivies d’effet ou que les mesures prises ne sont pas adéquates, le comité R établit également un rapport. Le budget des services de renseignement est inclus dans celui du ministère de la Justice ou de l’Intérieur et le comité R ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle, même financier, a priori.
C’est le Sénat qui attribue des compétences à la commission du suivi du comité R. Cette commission a, entre autres missions la possibilité de charger le comité R de mener des enquêtes, de demander l’avis du comité R sur les projets de textes législatifs et réglementaires. Elle obtient communication des rapports d’enquête diligentés par le comité R et est en mesure de se faire transmettre les dossiers, y compris sur des affaires en cours.
En 2007, est déposé un projet de loi afférent aux méthodes de recherche pour les services de renseignement : selon les ministres de la Défense André Flahaut et de la Justice Laurette Onkelinx, un collège doit être chargé du contrôle a posteriori de ces méthodes par la Sûreté de l’État. Dans ce collège apparaissent un magistrat, le comité R, la Commission de la vie privée. Un rapport annuel serait transmis au Sénat, qui assure le suivi des activités du comité R. Une commission de surveillance serait placée sous l’autorité des ministres de la Justice et de la Défense, composée de trois magistrats. Cette commission aurait pour finalité d’exercer un contrôle sur l’application de méthodes spécifiques et exceptionnelles.
La présidente du Sénat a émis des critiques sur ce projet de loi dès la rentrée parlementaire, considérant que le parlement ne disposerait plus que d’un contrôle a posteriori. Cela concerne tout particulièrement les interceptions de télécommunications.
Ainsi, les pays occidentaux développés, au vingt-et-unième siècle et notamment en 2007 (loi FISA aux États-Unis et loi belge), ne cherchent plus, comme ils l’avaient tenté auparavant, à contrôler, au nom du respect de la vie privée, les interceptions de télécommunications, mais à traquer toute forme de criminalité, à imposer la sécurité : les interceptions de télécommunication connaissent un essor exponentiel aux États-Unis et en Europe.