Les statistiques de l’emploi sont globalement satisfaisantes jusque dans les derniers mois de l’année. Aux États-Unis, le Bureau of Labor Statistics (BLS) recense en mars 3,6 millions de personnes travaillant dans les technologies de l’information (T.I), soit un record depuis sept ans. Les créations de postes dans le secteur sont importantes et le chômage retombe à 2 %. Pour apprécier ce record, il faut rappeler que selon les spécialités, le chômage a évolué de 4 à 5 % entre 1999-2000 puis de 11 à 14 % dans les années 2001-2002. La période la plus noire a eu lieu en 2001 avec une légère décrue en 2002 et 2003 pour se stabiliser à 5,3 % en 2004. Si l’on compare les chiffres actuels à 2002, les licenciements sont en baisse de 86 % à 89 % suivant les domaines. Pour le BLS, les demandes les plus fortes concernent les ingénieurs en informatique, les spécialistes des T.I. et les analystes réseaux ; en revanche elle baisse fortement pour les programmeurs qui demeurent cependant en troisième place avec 500 000 personnes (soit 15 % des emplois).
Pourtant, une enquête (Taulbee Survey) réalisée pour la Computing Research Association montre que les attitudes des étudiants vis-à-vis des métiers de l’informatique changent. Les nombreux docteurs (PhD) qui arrivent sur le marché en 2007 sont des étudiants qui ont préféré faire une thèse plutôt que d’arriver avec un simple Master sur un marché déprimé dans les années 2002-2003. Le secteur des T.I. reprend ainsi sa première place d’employeur des nouveaux docteurs, position qu’il avait perdu en 2002. Au niveau licence, en revanche, le nombre des inscrits est inférieur de 40 % à ce qu’il était en 2002. Le nombre des futurs docteurs en informatique aux États-Unis va être fortement lié aux programmes d’immigration des 4 ou 5 prochaines années. Comme les délais d’attente pour les demandes de résident permanent aux États-Unis s’accumulent (un million ?), le flux des étudiants en fin de cycle et des professionnels étrangers très qualifiés que le pays attend, se tarit. La Fondation Ewing Marion Kauffman milite pour que ces demandes soient traitées plus rapidement et rappelle qu’une entreprise sur quatre fondée entre 1995 et 2005 dans le secteur des T.I. avait un fondateur étranger généralement très qualifié. En août, la crise des « subprimes » éclate aux États-unis, mais le silence des banques sur leur situation réelle n’affecte pas immédiatement l’emploi ; ce n’est qu’en décembre que le taux de création des emplois s’effondre et annonce un très fort ralentissement pour 2008.
En France, chaque mois, les offres d’emploi dépassent les chiffres de l’année précédente (de 10 à 15 % en plus), le chômage des cadres redescend aux alentours de 3,5 % et faute de candidats confirmés les entreprises engagent de jeunes diplômés. Selon l’A.P.E.C., la filière informatique progresse de +30 % en 2007 et totalise 76 400 offres d’emploi. Avec 6 offres sur 10, l’informatique de gestion reste le secteur qui recrute le plus, ce que confirment les indicateurs des Jeudis de l’informatique et de Keljob. Côté pratiques de recrutement, les technologies et les réseaux sont largement utilisés et Second Life ouvre deux sessions de recrutement sur plateforme virtuelle avec des avatars.
Une étude du Syntec montre que ses adhérents sont satisfaits, que le secteur se porte bien avec 40 000 recrutements et 10 000 créations nouvelles. Pourtant, bien que dans le secteur les pratiques syndicales soient peu fréquentes, les membres du MUNCI (Mouvement pour une Union Nationale et Collégiale des Informaticiens) qui regroupe développeurs et autres travailleurs du secteur des T.I., font circuler une pétition qui témoigne d’un grand malaise. Il y est question de turnover, d’isolement des consultants et d’une gestion des ressources humaines relativement retardataire. Rares sont les entreprises qui forment, proposent des évolutions ou réfléchissent aux compétences. Les évolutions se font en changeant d’entreprise et compte tenu des horaires très lourds, les salaires sont peu attractifs.
Les créations d’entreprises sont en hausse (+ 12,5 % entre 2006 et 2007) et l’INSEE dénombre 321 478 nouvelles entreprises pour l’année (contre 285 732 l’année précédente). Leur répartition est inégale tant au niveau du secteur que de l’implantation géographique. Pour le secteur des T.I., les services aux entreprises sont en croissance (10,5 % contre une moyenne générale de 13,4 %). En Île-de-France, les créations sont en hausse de 11 % ce qui est dans la moyenne entre des régions fortement créatrices (Alsace, Haute Normandie, Lorraine, Pays de Loire, Rhône Alpes… qui ont une croissance de 16 à 18 %) et d’autres moins dynamiques (Auvergne, Basse Normandie, Bourgogne, Corse, Limousin avec une croissance entre 8 et 9 %). Mécaniquement, à la croissance des créations, correspond une croissance des défaillances. Le cabinet Altares décompte en 2007, 49 400 jugements d’ouverture de redressements ou liquidations judiciaires, soit une augmentation de 4,9 % par rapport à l’année précédente. Les défaillances des TPE (structures de moins de 3 salariés) augmentent aussi de +9 %.
L’étude du salaire des cadres français conduite par Expectra montre une hausse d’environ 2,6 % pour les spécialistes des bases de données, de 6,5 % pour les ingénieurs système, de 10,5 % pour les analystes programmeurs et les ingénieurs sécurité. Le développement du commerce électronique et des applications en ligne entraîne une hausse des rémunérations des architectes de 3,88 % et de 6,38 % pour les chefs de projets fonctionnels. Au niveau régional, l’Île-de-France présente toujours une différence de 30 % avec la province. Le Nord-Ouest reste dans la moyenne nationale, mais les techniciens de maintenance en électronique sont favorisés. Le Sud-Ouest présente des oppositions entre le retard des commerciaux et ingénieurs réseaux (moins 22 %) et les ingénieurs R&D, les techniciens d’étude (+10 %). L’étude de Cadremploi.fr qui concerne les jeunes diplômés montre que le nombre de ceux qui déclarent toucher entre 30 000 et 35 000 euros bruts annuels a doublé en deux ans.
Enfin, il faut signaler que selon le cabinet Gartner, les dépenses informatiques pourraient diminuer en 2008. La demande actuelle des pays émergents en services, matériels et logiciels est en croissance et masque le ralentissement des dépenses dans les pays développés. Depuis 2006, la croissance des dépenses informatiques est de 8 % mais elle risque de baisser l’année prochaine car les pays développés sont suréquipés. Cette analyse est aussi celle de Goldman Sachs qui après avoir sondé les grandes entreprises américaines, estime que 40 % des budgets informatiques vont être stables. Ce n’est pas du tout favorable à la croissance des emplois.