Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et l’exploitation médiatique et idéologique qui a suivi, les restrictions à la liberté de circulation et à l’immigration se sont élargies. Les États, et notamment les États occidentaux, souhaitent mieux connaître et identifier les voyageurs, les migrants. Pour ce faire, il est de plus en plus souvent fait appel à la biométrie et aux techniques biométriques. La personne identifiable peut être reconnue par des éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale. Au sein de l’Union européenne, les éléments biométriques sont considérés comme des données personnelles. Si le terme « biométrie » n’apparaît pas dans la directive-cadre sur la protection des données personnelles, en date du 25 octobre 1995, il y est sans aucun doute visé. En effet, les usages biométriques sont en relation étroite, constante, avec l’identité physique et physiologique des personnes. Les applications domestiques ne sont pas concernées, mais dès qu’une banque de données biométriques est constituée, la directive de 1995 s’applique. Cela implique de nombreuses contraintes dans le domaine des données sensibles, du profil, de la décision arrêtée uniquement sur la base de données nominatives. Le recours à certaines applications biométriques peut présenter un caractère excessif et disproportionné par rapport à la finalité du traitement.
En France, la loi du 6 août 2004, qui révise la loi du 6 janvier 1978 relative à la protection des données physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, dispose en son article 25 que soient mis en œuvre après autorisation de la CNIL les traitements automatisés comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l’identité des personnes. C’est un régime restrictif puisque la règle en France, en matière de protection des données personnelles, est désormais celle de la déclaration auprès de la CNIL. Dans ce contexte évolutif, il convient de parvenir à un difficile équilibre entre la liberté de circulation et le droit de contrôle que chaque État, dans le cadre du principe de proportionnalité, entend exercer sur les voyageurs et les migrants.
Cet équilibre est-il possible ? La France connaît de vives discussions sur la politique de l’immigration et l’utilisation de la biométrie. Ces débats sont notamment apparus à l’occasion de l’adoption des lois sur l’immigration. La loi du 24 juillet 2006 complète et modifie la loi sur l’immigration du 26 novembre 2003.
Limiter la liberté de circulation
Des textes importants ont jalonné l’histoire. Sous l’Ancien Régime, le statut des personnes d’origine étrangère est caractérisé par la prééminence du droit du sol. Le 23 février 1515, un arrêt du Parlement de Paris donne « le droit de succéder » à toute personne née en France de parents étrangers. Néanmoins, le droit du sang n’est pas entièrement occulté : un enfant né dans un pays étranger d’un parent français peut s’installer en France. Le Premier Empire change ces règles : il restreint considérablement le droit du sol ; la nationalité dépend de la personne et non du lieu de résidence. Une évolution apparaît sous le Second Empire et sous la troisième République. Une loi de 1851 déclare français l’enfant né en France d’un étranger lui-même né en France. La loi du 26 juin 1889 accorde la nationalité française aux étrangers nés en France et ayant atteint leur majorité.
L’ordonnance du 2 novembre 1945 est néanmoins le premier texte normatif important. Elle crée l’Office national d’immigration et instaure des cartes de séjour de un, cinq et dix ans. Les circulaires Marcellin-Fontanet de 1972 font dépendre l’attribution d’une carte de séjour de la possession d’un titre de travail ; les régularisations sont limitées. Le président Valéry Giscard d’Estaing stoppe les nouvelles immigrations mais autorise les regroupements familiaux qui constituent la plus grande partie de l’immigration légale. Dans le même temps, le gouvernement propose une prime au retour (le « million Stoléru »).
En 1980, la loi Bonnet durcit les conditions d’entrée sur le territoire français et facilite l’expulsion des étrangers. Des mouvements sociaux ont pour conséquence un abandon partiel de la loi Bonnet. Sous la présidence de François Mitterrand, le gouvernement socialiste procède à une importante régularisation d’étrangers en situation irrégulière, annule la loi Bonnet et supprime la prime d’aide au retour. Une loi de 1984 institue un titre unique de séjour de dix ans qui est dissocié du titre de travail. La loi du 9 septembre 1986 traite des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. L’accès à la carte de résident est restreint, les expulsions d’étrangers en situation irrégulière sont facilitées. En 1988, l’Office national d’immigration devient l’Office des migrations internationales (en 2005, ses attributions sont reprises par l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, ANAEM). En 1990, le premier ministre, Michel Rocard déclare que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais il faut qu’elle y prenne sa part ». Le Haut conseil à l’intégration, personne morale consultative, est créé.
Les antécédents
La loi Debré est votée en 1996. Certaines dispositions sont âprement discutées. Le signataire d’un certificat d’hébergement qui aurait accueilli un étranger doit faire connaître à la mairie de sa commune la date de son départ. Les étrangers en situation irrégulière sur le territoire français peuvent se voir confisquer leur passeport par les autorités policières. Les opposants font remarquer que la privation du passeport empêche l’accomplissement des actes les plus simples de la vie civile. La carte de séjour temporaire est délivrée aux jeunes étrangers entrés par regroupement familial afin de rejoindre un parent titulaire d’un titre temporaire. Quatre nouvelles catégories de bénéficiaires d’une carte de séjour temporaire sont créées : les jeunes étrangers qui justifient avoir leur résidence en France depuis qu’ils ont atteint au plus l’âge de dix ans, s’ils justifient ne pas poursuivre une vie familiale dans leur pays d’origine ; les étrangers non polygames parents d’un enfant français âgé de moins de seize ans, à condition qu’ils exercent l’autorité parentale et qu’ils subviennent effectivement à ses besoins ; les étrangers non polygames qui résident habituellement en France depuis plus de quinze ans ; les conjoints de Français mariés depuis au moins un an. Un demandeur d’asile a droit au séjour sur le territoire français pendant toute la durée d’instruction de sa demande. La rétention administrative est élargie.
Par ailleurs, la loi se penche sur la rétention judiciaire, sur les contrôles d’identité et de la régularité sur les lieux de travail. L’étranger dépourvu des documents de voyage peut être placé en rétention judiciaire. Les officiers et agents de police judiciaire sont en droit de procéder à des contrôles d’identité ; dans ce cadre, les étrangers sont tenus de présenter leur titre de séjour. La loi Debré autorise les fonctionnaires de police, sur réquisition du procureur de la République, à effectuer des contrôles d’identité sur les lieux de travail, afin de vérifier l’inscription sur le registre unique du personnel. Jusque là, seuls les inspecteurs du travail étaient habilités à effectuer des contrôles sur les lieux à usage professionnel. L’attribution de compétences en la matière aux officiers de police judiciaire renversait les priorités en matière de lutte contre le travail illégal. Ainsi, selon l’association Villermé, qui regroupait les inspecteurs du travail, on risquait d’assimiler la victime et le coupable, et, au quotidien, de poursuivre en priorité l’étranger sans titre de séjour qui « se fait exploiter » au lieu de rechercher la responsabilité du véritable donneur d’ordre qui « l’exploite » (Le Monde du 24 septembre 1996).
L’année 1996 a également été marquée par des mouvements sociaux relatifs à l’immigration : pendant l’été 1996, des manifestations en faveur de la régularisation des sans-papiers aboutissent à l’occupation de plusieurs bâtiments publics. En août 1996, la police se lance dans une opération d’expulsion des étrangers qui occupaient l’église Saint-Bernard. Finalement, après un mouvement soutenu notamment par des intellectuels et des artistes, la loi Debré est abrogée en avril 1997. La loi dite Réséda du 16 mai 1998 réintroduit l’acquisition automatique de la nationalité française, basée sur le droit du sol.
Durcissement et introduction de l’usage de la biométrie
La loi a un impact sur le statut des étudiants et des scientifiques. Les autorités consulaires ne sont plus tenues de justifier le refus de visa étudiant créé en 1998. Jusqu’alors, les consulats devaient consulter les services culturels pour avis s’ils envisageaient de procéder à un refus pour des motifs afférents au plus ou moins bon déroulement de la scolarité : insuffisance du niveau académique de l’étudiant, insuffisance linguistique en français. Ils ne sont plus tenus de le faire, pour des raisons essentiellement démographiques : en 1998, 29 000 visas étudiants avaient été délivrés alors qu’en 2002, il y en avait 65 000. Cette augmentation rapide a été perçue négativement, même si certains universitaires considèrent que cet essor est favorable à l’influence de la francophonie. La charge financière n’est en effet pas négligeable. Sur le plan strictement juridique, les auteurs du projet de loi ont fait valoir que les droits des étudiants étrangers demandeurs de visas n’étaient pas remis en cause puisqu’ils pouvaient utiliser les différentes voies de recours administratives et contentieuses. Toutefois, cette mesure est une dérogation aux dispositions relatives à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.
La situation des chercheurs étrangers s’est quelque peu améliorée. Le détenteur d’une carte de séjour scientifique est en mesure de solliciter, lors de son renouvellement au bout d’un an, une durée de validité supérieure. Le chercheur qui effectue un long séjour en France s’épargne de lourdes démarches administratives. Il doit, en revanche, fournir un protocole d’accueil qui correspond à la période concernée.
En dehors de ce volet spécifique, la loi sur l’immigration de 2003 correspond à un infléchissement répressif. La durée maximale de rétention administrative est allongée et portée à 32 jours. Les sanctions contre les passeurs de clandestins sont alourdies. La carte de résident n’est accordée à un conjoint étranger marié à un(e) Français(e) qu’au bout de deux ans, contre un an auparavant. Il s’agit de lutter contre les mariages blancs.
Le Conseil constitutionnel saisi le 4 novembre 2003 a rendu sa décision le 21 novembre 2003. Il annule trois dispositions : il n’y aura pas de débat annuel sur l’immigration ; la personne qui héberge un étranger ne sera pas obligée de payer les frais de rapatriement si l’étranger est insolvable ; le maire n’est pas tenu d’informer « immédiatement » le préfet si une personne souhaitant se marier n’est pas en mesure de justifier de la régularité de son séjour.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel émet deux réserves d’interprétation. D’une part, les sociétés qui ont pour mission de transporter des personnes retenues dans un centre de détention ne sont pas autorisées à se charger également de la surveillance. D’autre part, les délais pendant lesquels une personne étrangère est retenue sont des délais maximum. Le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance est habilité à interrompre la procédure lorsque cela lui semble nécessaire.
L’usage de la biométrie : un élément essentiel de la loi
Cet usage correspond, dans un premier temps, à l’occasion des débats, aux articles quatre et cinq, puis, dans la version définitive, à l’article onze. La loi a prévu un fichier qui recense les empreintes digitales de toute personne qui dépose une demande d’asile ou obtient un visa pour la France. Cette initiative était en phase avec la législation de l’Union européenne (systèmes d’information Eurodac, SIS II et VIS). Le projet de loi prévoyait le relevé, la mémorisation, le traitement automatisé d’une photographie numérique et des empreintes digitales de tout ressortissant extracommunautaire refoulé lors du franchissement d’une frontière de l’espace Schengen. Ce groupe de personnes vient s’ajouter à celui déjà prévu par la loi Debré : demandeurs de titres de séjour, personnes en situation irrégulière ou ayant subi une mesure d’éloignement du territoire français. Adoptée sous le gouvernement Juppé, cette mesure n’était pas entrée en application pour des raisons techniques. Le projet de loi prévoyait un dispositif identique pour les demandeurs de visas. Ces derniers sont soupçonnés d’être de mauvaise foi. C’est ce qui apparaît lors de déclarations de Nicolas Sarkozy à l’occasion des débats devant le Sénat. Il s’agit de prévenir la fraude : il faut « pouvoir retrouver l’identité et l’origine de ceux qui entrent en France grâce à un visa de court séjour et s’y maintiennent en détruisant leurs papiers ». Les politiques semblent se méfier de certains immigrants : « Certaines personnes perdent leur visa ou le déchirent après trois mois puis oublient d’où elles viennent. Ce nouveau fichier constituera une aide particulièrement humaine pour ceux qui auront perdu la mémoire » (Nicolas Sarkozy, Sénat, octobre 2003).
Devant l’Assemblée nationale, le projet de loi initial a été durci. Il ne comprenait au départ que le relevé des empreintes digitales pour les étrangers en situation irrégulière ou qui ne remplissaient pas les conditions d’entrée. L’amendement n°343 ajoute aux empreintes digitales la photographie numérique. À également été voté l’amendement n°365 qui rendait systématique le relevé des empreintes digitales. Par contre, la Commission des lois a repoussé les amendements hostiles à l’utilisation ou à l’utilisation systématique des procédures biométriques. Certains sénateurs font valoir qu’il ne convient pas de recourir à la biométrie dans le cadre de l’immigration. La prise d’empreintes est prévue pour tous ceux qui sollicitent un visa. Or, les demandeurs de visas ne sont pas tous des délinquants ou des criminels. Le fichage systématique peut être considéré comme une atteinte aux libertés : « Cela contribue à jeter le discrédit sur l’ensemble des immigrés en situation régulière présents en France », selon Mme Nicole Borvo (Sénat, séance du 9 octobre 2003). Par ailleurs, les procédures biométriques deviendront difficilement effectives : les consulats sont peu capables de relever les empreintes ; le délai serait long. La classe politique dans sa majorité est favorable au fichier et fait valoir que les citoyens français qui demandent une carte d’identité nationale sont obligés de se plier au relevé de l’empreinte digitale. M. Jean-Jacques Hyest déclare le 9 octobre 2003 devant le Sénat : « Le relevé des empreintes digitales est absolument nécessaire pour permettre d’identifier les étrangers qui sont sur notre territoire et qui seraient entrés dans la clandestinité ! En effet, nous connaissons nombre de cas de personnes ayant fait disparaître leurs papiers au bout d’un certain temps ». Jacques Mahéas surenchérit, toujours le 9 octobre 2003 : « En effet, nous sommes favorables à la photographie et au relevé des empreintes digitales et vous devez concevoir qu’il s’agit là d’un accord important entre nos groupes ».
Néanmoins, l’accord n’est pas total. Les sénateurs socialistes sont favorables à un relevé d’empreintes digitales pour les étrangers qui obtiennent un visa et non pour ceux qui sollicitent un visa. Le problème de la mise en place pratique des relevés dactyloscopiques dans les consulats est relevé par toutes les organisations politiques. Les consulats ne sont pas armés, ni en termes de ressources financières, ni en termes de ressources humaines, pour faire face au relevé des empreintes digitales. C’est pourquoi l’incertain se glisse dans les discours politiques : Jean-Patrick Courtois enjoint « Laissons donc des marges de manœuvre au Gouvernement et aux consulats ». En écho, Christian Cointat fait remarquer (toujours au Sénat, le 9 octobre 2003) que « le texte adopté par l’Assemblée nationale impose la prise d’empreintes digitales et la photographie pour tous les demandeurs de visas, ce qui est excessif et impossible à réaliser par les services consulaires ». De multiples allusions sont faites aux longues files d’attente devant les consulats (les demandeurs) et au travail colossal qui est exigé des fonctionnaires (l’institution consulaire).
Finalement, le texte de loi n’impose pas le relevé des données dactyloscopiques et de la photographie. Les personnes concernées sont non pas celles qui obtiennent mais sollicitent un visa et le terme « peuvent » (être relevées, mémorisées) a été introduit dans la loi du 26 novembre 2003. Cette dernière doit être en conformité avec les dispositions relatives à la protection des données personnelles. Un décret en Conseil d’État est pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’avis est rendu par la CNIL en date du 5 octobre 2004. Le décret annoncé est en date du 25 novembre 2004. Les données à caractère personnel sont notamment les photographies numériques et les empreintes digitales des demandeurs de visas. Le droit d’accès et de rectification s’exerce auprès du Ministère des Affaires Étrangères – Direction des Français à l’Étranger et des Étrangers en France, du Ministère de l’Intérieur – Direction centrale de la police aux frontières, de la chancellerie consulaire ou du consulat où la demande de visa a été déposée. Le droit d’opposition ne s’applique pas. Afin de faciliter l’authentification du détenteur de visa aux postes frontières, un composant électronique, qui contient les images numérisées des empreintes digitales et de la photographie du titulaire du visa peut, à titre expérimental, être associé à la vignette visa. Les techniques biométriques sont bien utilisées pour lutter contre l’immigration clandestine.
Renforcer les limitations
La loi de 2006 illustre le contrôle de l’immigration légale : la loi du 24 juillet 2006 sur l’immigration est présentée par Nicolas Sarkozy et adoptée le 30 juin 2006 par le Parlement, avec validation par le Conseil constitutionnel le 20 juillet 2006 et entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Cette loi vise particulièrement le regroupement familial et le mariage.
En ce qui concerne le mariage, la loi prévoit de renforcer le contrôle, notamment pour les mariages ayant lieu à l’étranger, et allonge de deux ans la période de vie commune donnant droit à l’obtention de la nationalité française : elle passe de deux à quatre ans. Pour le regroupement familial, le délai qui permet d’en déposer la demande passe à dix-huit mois ; les critères matériels qui le conditionnent, revenu et surface d’habitation, sont durcis.
L’immigration régulière implique une adéquation entre les besoins des entreprises et le désir d’immigrer. Ainsi, les firmes pourront utiliser les étudiants doués autorisés à venir étudier en France, du moins pendant quelques années. La mise en place des cartes nationales d’identité électroniques, la généralisation des visas biométriques et d’Eurodac pour les demandeurs d’asile permettent de faire coïncider l’offre et la demande.
Sur le plan juridique, trois séries de dispositions étaient mises en cause par les parlementaires socialistes et communistes : la suppression de la délivrance d’un titre de séjour à l’étranger qui réside habituellement en France depuis plus de dix ans, les nouvelles dispositions afférentes au regroupement familial et la procédure juridictionnelle applicable aux mesures d’éloignement. Sur la suppression de la délivrance automatique d’un titre de séjour, le Conseil constitutionnel rappelle les prérogatives de l’État : « Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national » ; « Seules des exigences constitutionnelles particulières telles que le droit d’asile ou le droit de mener une vie familiale normale peuvent faire obstacle au pouvoir du législateur de revoir, dans un sens plus restrictif, le droit du séjour des étrangers ».
Pour le regroupement familial, le Conseil constitutionnel considère que les nouvelles dispositions ne sont pas contraires au droit des étrangers installés de manière stable et régulière en France de mener une vie familiale normale, ce qui est garanti par les droits de l’homme. Il appartient au législateur de fixer la période au terme de laquelle le demandeur sera reconnu comme séjournant de façon stable en France. La durée de dix-huit mois n’est pas jugée excessive. Il est également possible de refuser le regroupement familial lorsque le demandeur ne respecte pas les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le Conseil constitutionnel apporte des précisions sur ces principes. Ces derniers sont « la monogamie, l’égalité de l’homme et de la femme, le respect de l’intégrité physique des enfants et des adolescents, le respect de la liberté du mariage, l’assiduité scolaire, le respect des différences ethniques et religieuses, l’acceptation de la règle selon laquelle la France est une République laïque ».
L’autorisation de séjour délivrée au conjoint peut être retirée en cas de rupture de la vie commune dans les trois ans qui suivent la délivrance. En effet, le titre de séjour n’a plus de raison d’être : « Aucun principe de valeur constitutionnelle ne garantit le maintien ou le renouvellement d’une autorisation lorsque les conditions mises à sa délivrance ne sont plus satisfaites ».
L’utilisation des techniques biométriques
L’un des objectifs de la loi du 23 janvier 2006 afférente à la lutte contre le terrorisme est la limitation, voire la suppression, de l’immigration clandestine. Un arrêté du 19 décembre 2006 est pris en application de l’article 7 de la loi du 23 janvier 2006 et crée, à titre expérimental, un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux passagers enregistrés dans les systèmes de contrôle des départs de transporteurs aériens. Rappelons qu’au niveau de l’Union européenne, le droit oblige les transporteurs à communiquer les données relatives aux passagers.
La mise en œuvre de ce traitement automatisé de données à caractère personnel relève de la direction centrale de la police aux frontières du ministère de l’intérieur. L’une des principales finalités de ce traitement est la lutte contre l’immigration clandestine. Une décision du ministre de l’intérieur, communiquée à la CNIL, précise les provenances et les destinations, situées dans des États qui n’appartiennent pas à l’Union européenne, des passagers. Ces données à caractère personnel comprennent le numéro et le type de document de voyage utilisé, la nationalité, le nom et le prénom, la date de naissance, le sexe, le point de passage frontalier utilisé pour entrer sur le territoire français ou en sortir, le code de transport, c’est-à-dire le numéro du vol et le code du transporteur aérien, les heures de départ et d’arrivée du transport, le point d’embarquement et de débarquement, la mention « connu(e) » ou « inconnu(e) » dans le fichier des personnes recherchées ainsi que dans le système d’information Schengen, qui est conservée 24 heures. Les données spécifiques à la lutte contre l’immigration clandestine ne peuvent être consultées que dans les 24 heures qui suivent leur transmission.
Le traitement automatisé fait l’objet d’une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées et le système d’information Schengen. Le droit d’accès est direct, le responsable du fichier étant la direction centrale de la police aux frontières du ministère de l’intérieur. Pour ce qui concerne la donnée afférente à la mention « connu(e) » ou « inconnu(e) » au fichier des personnes recherchées et dans le système d’information Schengen, le droit d’accès est indirect : il implique la saisine de la CNIL.
En guise de conclusion…
L’équilibre entre liberté de circulation et utilisation des techniques biométriques est difficile à établir. En fait, dans le cas des citoyens en situation régulière, le recours à la biométrie peut accélérer les modalités de circulation, dans la mesure où les formalités administratives se trouveraient simplifiées, réduites. Par contre, la liberté de circulation, contingentée par les technologies biométriques, est réduite quand la personne physique n’est pas en situation régulière ou bien se trouve en situation régulière, sans que cela soit évident pour l’État ou le groupe d’États dont dépend la personne, pour un visa, un passeport, une demande d’immigration. L’État ou les groupes d’États régulent et réglementent de plus en plus et se servent de la biométrie pour faire preuve d’efficacité dans le cadre de cette régulation et de cette réglementation. En matière d’immigration, la biométrie se met au service de la sécurité nationale.